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RÉSUMÉS

 Mémoires des passés coloniaux  | 6–8.12.2022 

I.Education, transmission

6 décembre

Sarah Moretti
Melanie Toulhoat
Christele Rabier
Maud Delevaux
Sarah J. Zimmerman
Martio Oppizzi
Bhawna Khattar
Anne Joly
Jessica Balguy
Louise Guttin
Yukiko Koga

 

Sarah Moretti (École normale supérieure Lyon/Triangle) 

Enseignement de l’histoire-géographie et enjeux de mémoire dans les départements d'outre-mer : une étude comparée dans les académies de Guyane et de Martinique

 

Cette communication questionne l’évolution de l’enseignement public de l’histoire-géographie dans les départements français d’Amérique que sont la Guyane et la Martinique. Nous retracerons, de la seconde moitié du XXe siècle à nos jours, l’imbrication des revendications politiques et identitaires ultramarines, la formation et la diffusion des savoirs scolaires et la sociologie de l’action publique éducative. Dans un premier temps, nous analyserons l’évolution de l’adaptation des programmes scolaires et de la sociologie politique du corps enseignant en Guyane et en Martinique, avant et après les lois mémorielles des années 2000. Enfin, nous questionnerons, sur la base d’entretiens recueillis par nos soins et dans de récentes enquêtes menées par des professeurs auprès de leurs pairs, la reconfiguration contemporaine des rapports centres-périphéries dans la question scolaire.

 

 

 

 

Mélanie Toulhoat (IHC-NOVA FCSH/IN2PAST) 

Éducation populaire, alphabétisation et représentations des luttes anticoloniales en Guinée-Bissau nouvellement indépendante (1974-1980)

 

J’analyserai dans ma communication différentes représentations des luttes anticoloniales au sein de matériels didactiques produits et diffusés en Guinée-Bissau après l’Indépendance du pays, au terme d’une guerre de Libération menée par le Parti Africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), de 1963 à 1974. Ces supports pédagogiques furent employés à des fins éducatives, mémorielles et militantes, dans le cadre de projets d’éducation populaire et d’alphabétisation réalisés afin de contribuer à la décolonisation effective du pays. Portées par un ensemble d’enseignant(e)s, de pédagogues, de militant(e)s bissau-guinéen(ne)s et cap-verdien(ne)s, mais également issu(e)s de la gauche internationale, ces initiatives condamnaient à divers égards les formes physiques, culturelles et symboliques de la violence du pouvoir colonial portugais. 

 

 

Christelle Rabier (EHESS/Cermes3)

Combler un vide mémoriel ou pédagogique ? L’expérience de l’enquête collective Mémoires coloniales de Marseille (2019-2021) à l’EHESS 

 

Comment concilier histoire, territoire et apprentissage de la recherche en sciences sociales ? En 2019, le dispositif pédagogique « Enquête collective » du Master EHESS Marseille a proposé une exploration de l’histoire coloniale de Marseille pour deux raisons : d’une part, les traces matérielles de l’activité coloniale de Marseille et leur ampleur contrastaient avec le relatif silence muséal et scientifique ; d’autre part, la plupart des trajectoires familiales de la cité phocéenne ont maille à partir avec l’histoire coloniale. L’épreuve pédagogique a confirmé l’immense richesse scientifique et pédagogique de l’objet, mais aussi les tensions à l’œuvre sur un terrain géographique et politique toujours contesté.

 

II. Appartenances, identités

 

Maud Delevaux (Université Paris Nanterre/IFEA)  

Mémoire de l’esclavage et revendication identitaire afro-péruvienne 

 

Au Pérou, au cours de la seconde moitié du XXe siècle, des artistes et intellectuels ayant une ascendance africaine s’intéressent au « folklore noir » et dénoncent son appropriation au sein de pratiques culturelles péruviennes hégémoniques. Ainsi, à partir d’investigations et de créations artistiques, ils démontrent l’« africanité » conservée dans un ensemble d’expressions, révélant l’existence d’une culture afro-péruvienne. Ce projet symbolise une véritable rupture dans l’élaboration de l’altérité noire au Pérou. Cette communication étudiera le rapport à la mémoire de l’esclavage au sein de ce mouvement culturel afropéruvien. Ce projet identitaire se définit par la reconnaissance et la valorisation d’un « héritage africain » pensé comme originel et antérieur à l’esclavage. Il s’agira ainsi de questionner de quelles manières ce passé douloureux a été mobilisé par les acteurs du mouvement culturel afro-péruvien et d’analyser les formes de mémoires élaborées au sein de la narrative identitaire afro-péruvienne.

 

Sarah J. Zimmerman (Western Washington University)

Mémoire de genre et politique du présent sur l’île de Gorée

 

Cette intervention examine comment les signares de l'île de Gorée – femmes esclavagistes du 18ème siècle – sont représentées et/ou ignorées au Sénégal contemporain dans les débats concernant les héritages du colonialisme français et la traite transatlantique des esclaves. Ces femmes occupent une place ambiguë dans la mémoire collective nationale et l'histoire publique du Sénégal. Les signares ne s'intègrent pas facilement dans les schémas bien établis : colonisateur.rice/colonisé.e ou esclavagiste européen.ne/esclave africain.e. Leur position ambiguë dans les catégories binaires de la violence structurelle associée  à la colonisation et la traite des esclaves en a fait des acteurs gênants dans les histoires téléologiques de l'oppression. Enfin, cette intervention détaille les récentes controverses publiques concernant l'île de Gorée pour examiner la présence et l'absence des signares dans les revendications concurrentes sur l'histoire et la mémoire au Sénégal. Mettant en relief les femmes et le genre, cet essai rééxamine les héritages de l'esclavage et du colonialisme sur l'île de Gorée – site du patrimoine mondial de l'UNESCO.

Martino Oppizzi (École française de Rome)

Une mémoire juive ou une mémoire italienne ? La mise en récit du passé colonial par les ressortissants de la communauté livournaise de Tunisie

 

Par cette communication, je me propose d’analyser le processus d’élaboration d’une mémoire (publique et privée) du passé colonial de la part des anciens membres d’une minorité très active dans la Tunisie coloniale : les Juifs livournais, pour la plupart de nationalité italienne. La double identité italienne et juive entrainune trajectoire complexe, marquée par des persécutions croisées pendant et après la Seconde Guerre mondiale. De ce fait, le départ de la Tunisie au moment de la décolonisation conduit  à élaborer des narrations du passé contradictoires produisant une sorte de « diaspora de mémoires ». En partant de l’analyse des autobiographies publiées par les ressortissants de la communauté juive livournaise à partir des années 2000, complétée par un corpus de 30 enquêtes réalisées pendant mes recherches de doctorat et de post-doctorat, je m’interroge sur les mécanismes de sélection mémorielle et de mise en récit du passé colonial.

 

Bhawna Khattar (Ambedkar University New Delhi)

À la recherche du langage de la perte. Explorer la relation entre la mémoire familiale et l’histoire nationale dans l’Inde postcoloniale à travers la perspective des familles touchées par la partition

 

Ma communication explore les liens entre mémoire familiale et mémoire nationale, en se concentrant spécifiquement sur le récit du « citoyen idéal », à travers la vision des personnes qui ont traversé la frontière lors de la partition de l’Inde en 1947 et de leurs descendants. La mémoire familiale est souvent produite en relation avec les phénomènes socioculturels plus larges de l’époque et procure aux individus un sentiment d’identité et d’appartenance. Les années qui ont précédé les événements de 1947 en Inde ont été marquées par la lutte pour l’indépendance de la domination coloniale, par des tensions communautaires et par la construction d’une nouvelle nation. Alors que se construisait une nouvelle idée de patrie, des millions de personnes ont dû quitter leur foyer. De nombreux chercheurs de toutes disciplines ont suggéré que le traumatisme de la violence coloniale ou communautaire peut être transmis de génération en génération par le biais de silences et de secrets. D’autre comme Daniela Koleva, Alison Longworth et Delyth Edwards ont suggéré dans leur travail que les récits nationaux servent à encadrer les histoires familiales et remplissent même les « espaces oubliés de nos autobiographies ». Bien qu’il existe une littérature croissante sur la mémoire de la partition, ses conséquences dans les familles et les traumatismes intergénérationnels, ainsi que l’idée changeante de l’état-nation dans l’histoire populaire – en particulier dans le contexte postcolonial – restent peu étudiées. Cette communication cherche à explorer comment les mémoires familiales touchées par la partition sont reconstruites à travers les générations en relation avec l’histoire nationale, en se concentrant particulièrement sur le récit d’un « citoyen idéal » pour combler les lacunes des autobiographies familiales. 

7 décembre

 

Anne Joly (La contemporaine), Olga Vanegas-Toro (La contemporaine)

Présence des mémoires des passés coloniaux dans les collections de La contemporaine

 

Les mémoires des passés coloniaux sont bien présentes dans les collections de l’établissement, à la fois bibliothèque, centre d’archives et musée. L’historique de la constitution des collections montre toutefois que ce n’est pas le résultat d’une démarche volontaire, la collecte d’archives s’étant organisée essentiellement depuis la fin du 20ème siècle auprès du monde associatif et militant tandis que les acquisitions de la bibliothèque visaient à couvrir les luttes politiques et sociales, l’immigration, les relations internationales. 
Aussi les mémoires des passés coloniaux se nichent-elles ici ou là dans des archives et ensembles documentaires, dont la description a aussi une histoire reflétant l’évolution des sociétés d’une part et des intérêts de la recherche d’autre part.  

 III. Réparations, réconciliations

 

 

Jessica Balguy (EHESS/CIRESC)

La réception des travaux de l’indemnité coloniale de 1849 

 

En 2001 fut votée la loi dite Taubira, qui reconnaissait la traite et l’esclavage comme crime contre l’humanité. Dans sa version initiale - qui n’a pas été retenue - , une mention était faite aux réparations. Et pour cause, cette question n’a cessé et ne cesse d’animer les débats autour des passés esclavagistes, en France et ailleurs. Dans un contexte international de revendications émanent d’acteurs politiques, civils et associatifs, le projet de recherche « REPAIRS » a choisi de prendre ce sujet au sérieux, en tentant d’y apporter un éclairage scientifique. En produisant de nombreux travaux largement mis à disposition du public, le projet REPAIRS et ses membres ont inscrit leurs recherches dans un dialogue avec la société. Cette communication aura pour objectif de présenter les principales productions et leur réception, en particulier les divers travaux autour de l’indemnité coloniale perçue par les anciens propriétaires d’esclaves au lendemain de l’abolition de 1848. Il s’agira de montrer la complexité de ce passé esclavagiste révélé par l’indemnité coloniale, et la manière dont ces nuances ont été entendues - ou non.  

 

Louise Guttin-Vindot (Sciences Po Paris)

Réparer la guerre d’Algérie ? L’affaire Mohamed Garne 

 

Le jeudi 22 novembre 2001, la Cour régionale des Pensions de Paris rend, après des années de procédure, son verdict : Mohamed Garne est reconnu victime civile de la guerre d’indépendance algérienne et une pension d’invalidité lui est accordée. Si l’indemnité est maigre, le symbole est fort, comme l’écrit alors Le Monde. Cette communication a pour objet l’exploration d’un cas particulier de réparation de violences de la guerre coloniale par le juridique. Né en avril 1960 du viol de sa mère, Kheïra, alors âgée de seize ans, par des soldats français, Mohamed Garne est la première victime civile reconnue comme telle par le droit. En effet, l’épais tissu juridique des lois d’amnisties votées entre 1962 et 1982 rend impossible l’entreprise de procédures au pénal pour la condamnation des crimes perpétrés pendant le conflit. En se tournant vers la justice civile qui ne punit pas mais accorde reconnaissance et réparation des préjudices, Maître Jean-Yves Halimi, l’avocat de Mohamed Garne, réalise un tour de force juridique qui sera largement médiatisé.

 

 

 

Yukiko Koga (Yale University)

Une réconciliation agitée : la confrontation avec la violence impériale japonaise en Asie de l’Est 

 

Que cela signifie-t-il et que faut-il faire pour les générations actuelles lorsqu'il s’agit de réparer la violence impériale qui a eu lieu il y a des décennies ? Quels sont les enjeux de la reconnaissance de passés lointains mais toujours vivants ? à partir de deux décennies de travail sur le terrain en Chine et au Japon, j’aborde ces questions à travers mon analyse ethnographique du mouvement transnational de réparation juridique en Asie de l’Est, où  des citoyens ordinaires cherchent à obtenir réparation juridique pour la violence impériale japonaise par le biais de collaborations inattendues : les survivants chinois de la violence impériale japonaise et leurs descendants, plus de 300 avocats japonais qui  défendent  à titre gracieux  afin de s’acquitter de la dette morale héritée de la génération de la guerre, et des centaines de citoyens japonais engagés. Les survivants ont intenté des poursuites légales contre le gouvernement japonais et les entreprises qui les ont réduits en esclavage pour demander des excuses officielles et une compensation monétaire, ce qui a conduit à un certain nombre de jugements historiques. Ma communication suit ce processus et explore ce que fait un jugement et à quoi ressemble la réconciliation sur le terrain parmi les gens ordinaires qui s’engagent dans le travail émotionnel de la réconciliation. Je démontre en particulier comment le travail de réconciliation sur le terrain bouscule les idées reçues sur où et comment la réconciliation a lieu, sur qui compte comme victime et sur quels besoins sont pris en considération.

Mercredi 7 décembre

IV.1. Patrimoine, monuments, musées 

 

Beatrice Falcucci (Università dell'Aquila)

L'ancien Musée Colonial de Rome : la muséologie comme métaphore de la mémoire du colonialisme italien

 

L'annonce en 2020 du réaménagement de l'ancien Musée colonial de Rome sous le nouveau nom de "Museo Italo-Africano Ilaria Alpi" en a probablement surpris plus d'un qui ne connaissait même pas l’existence de ce musée. Le Musée colonial de Rome a été créé pour promouvoir un projet colonial renouvelé et agressif qui a atteint son apogée dans les brutales guerres fascistes en Libye (1928-1931) et en Éthiopie (1935-1941). Il a ensuite continué à fonctionner comme un outil de propagande en Italie et à l'étranger (par l’organisation d’expositions et des foires) pendant et bien après l'effondrement de l'empire et du régime fascistes. 

Après avoir brièvement décrit l'histoire de l'ancien Musée colonial, cette communication se concentrera sur ses vicissitudes depuis la dissolution de l'empire colonial italien : de la lutte pour le maintien des possessions coloniales, en passant par la période de tutelle sur la Somalie, jusqu'à son démantèlement au début des années 1970, le musée semble se prêter parfaitement à une métaphore de la mémoire du colonialisme italien.  

Enfin, en s'appuyant sur l'annonce controversée concernant le musée qui portera le nom de la journaliste italienne Ilaria Alpi, tuée à Mogadiscio en 1994, nous tenterons d'inscrire le cas italien dans le débat plus large en cours sur les restitutions, les redéfinitions et les reconsidérations portant sur les collections coloniales. 

 

Thaís Tanure (Université de Paris 1/CHS et Labex Dynamite)

La mise en mémoire d’un passé lointain : les commémorations de la conquête des Amériques à Nantes et à Rio de Janeiro (1992-2000)

 

Dans ma communication, j’analyserai les initiatives de patrimonialisation et mémorialisation du passé colonial et esclavagiste liées aux commémorations de la conquête des Amériques à travers deux études de cas : les villes de Nantes et Rio de Janeiro. À Nantes, l’année 1992 correspond à la réalisation de la première exposition sur la traite transatlantique.  À Rio, la conférence du climat de l’ONU est l’occasion pour les différents groupes d’exposer leur vision sur la colonisation, donnant lieu à des revendications qui s’accentuent lors des commémorations de la conquête de ce pays en 2000. Ces deux villes ont été alors connectées par des projets commémoratifs tels que le navire culturel Cargo 92. L’analyse, comparative et connectée, se base sur des sources du Musée d’Histoire de Nantes et du Museu Histórico Nacional à Rio, des sources administratives ainsi que audiovisuelles, sonores et orales. Il s’agira notamment d’interroger les représentations divergentes produites par les différents acteurs liés à la mise en mémoire de ce passé lointain.

IV.2. Patrimoine, monuments, musées

Marion Bertin (Université d’Avignon/Centre Norbert Elias)

Penser un patrimoine (post)colonial : le « patrimoine kanak dispersé »

 

Cette communication s’attache à comprendre la genèse et la définition de la notion de « patrimoine kanak dispersé ». Utilisée dans la lignée de la pensée de Jean-Marie Tjibaou, elle désigne les objets kanak anciens conservés dans des musées hors de Nouvelle-Calédonie. Concrètement, le « patrimoine kanak dispersé » prend la forme d’un catalogue raisonné d’objets : l’Inventaire du Patrimoine Kanak Dispersé. Des retours temporaires d’objets eurent aussi lieu lors d’expositions ou dans le cadre du programme des « objets ambassadeurs de la culture kanak ». Il s’agira de mieux cerner le processus de patrimonialisation à l’œuvre, tout en soulignant en quoi le « patrimoine kanak dispersé » représente une modalité de gestion partagée du patrimoine dans un contexte postcolonial spécifique, soumis à l’indivision de la République française. 

 

 

Berklee Baum (University of Oxford)

Gravé dans la pierre ? L'évolution des constructions et des contestations de la mémoire du génocide colonial au 20e siècle à travers l’analyse comparative internationale de deux monuments commémoratifs coloniaux.

 

Cette étude microhistorique compare deux monuments commémoratifs du génocide colonial. Le premier est un pilier situé dans un cimetière militaire de l'ouest des États-Unis, dédié aux soldats qui sont morts en perpétrant ce qu'on appelle aujourd'hui le massacre de Bear River - le massacre le plus meurtrier de l'histoire des États-Unis. Depuis plus de 150 ans, le monument et le souvenir qui le sous-tend sont restés inchangés. Le deuxième mémorial est un bloc rocheux situé dans un cimetière militaire à Berlin. Tout comme le monument de Bear River, ce mémorial rend hommage aux soldats allemands qui sont morts de façon "héroïque" en combattant lors de ce que l'on a appelé à juste titre le génocide namibien. Au cours des 100 dernières années, ce rocher est devenu un lieu de militantisme d'extrême droite et d'extrême gauche. Les groupes d'extrême droite déposent des couronnes et des fleurs à la base du rocher, en hommage aux auteurs du génocide. Les militants d'extrême gauche recouvrent la pierre de peinture rouge pour symboliser le sang namibien versé par les soldats allemands. Qu'est-ce qui a conduit aux similitudes initiales et maintenant aux différences marquées dans ces approches de la commémoration des actes de génocide colonial ? Quels facteurs modifient la façon dont une communauté, un État ou un pays réfléchit à son propre passé génocidaire ? Cet article cherche à répondre à ces questions.

 

 

 

Sandra Guinand, Maria Gravari-Barbas, Xinyu Li, Yue Lu (Université Paris 1)

Patrimonialisation, travail mémoriel et valorisation touristique des anciennes concessions de Tianjin et Wuhan.

 

 

8 décembre

V. Associations, militantisme, mobilisations

 

 

Clémence Maillochon (Université de Haute-Alsace/EASTCO) 

De l’Algérie à la Polynésie française : comment concilier les mémoires du fait nucléaire et du fait colonial ? 

 

L’ouverture récente des archives sur le Centre d’Expérimentation du Pacifique (CEP) par l’État français s’inscrit dans la continuité de politiques mémorielles relatives à l’histoire des essais nucléaires. Nous proposons d’examiner les intersections entre les initiatives étatiques, celles du territoire polynésien et celles du monde militant à travers un examen de la situation paradoxale qui existe entre l’Algérie et la Polynésie selon les différents contextes coloniaux ou postcoloniaux.  Dans le premier cas, il existe une reconnaissance officielle du fait colonial, mais pas du fait nucléaire, et les archives sur les tirs réalisés dans le Sahara demeurent toujours inaccessibles aux chercheurs. En Polynésie Française, la situation s’inverse, avec des initiatives menées par l’État et le territoire sur la mémoire du CEP, qui donne peu de relief au contexte ayant permis d'implanter une économie de rente nucléaire.

 

 

 

Gianmarco Mancosu (University of London)

Lieux de mémoire (post-coloniaux) : militantisme associatif transnational et nostalgie impériale dans l'Italie contemporaine

Des contributions récentes dans le champ de l'histoire coloniale et postcoloniale italienne mettent en évidence les stratégies actives à travers lesquelles des forces politiques, culturelles et économiques ont tenté d'élaborer un discours biaisé sur le passé colonial pendant la longue et singulière décolonisation italienne.

Parallèlement à cette politique de mémoire, plusieurs associations ont élaboré un souvenir de ce passé dans le but de renforcer une mémorialisation tendancieuse de leur expérience africaine. Ma communication se concentrera sur les activités de certaines associations nées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en accordant une attention particulière à l'Associazione Profughi italiani d'Etiopia (APE). Les membres de l’APE avaient pour but d'aider les anciens colons restés dans la Corne de l'Afrique. Ils faisaient en outre pression sur le gouvernement italien pour obtenir une compensation pour ce qu'ils avaient perdu à cause des nationalisations socialistes (survenues au milieu des années 1970). En s'appuyant sur différentes sources d’archives, ma présentation abordera les modalités par lesquelles le passé colonial a été récupéré et ravivé dans les activités de ces associations, non seulement en relation avec la construction de certaines mémoires collectives partiales, mais aussi en relation avec des questions plus actuelles (accords politiques avec la Libye, l'Érythrée, la Somalie et l'Éthiopie ; interprétation racialement biaisée de la citoyenneté et des migrations ; commémorations liées au colonialisme et aux personnes impliquées dans ses projets expansionnistes).

 

 

Tièmeni Sigankwé (Centre national d’éducation, Yaoundé-Cameroun)

La mémoire qui ne voulait pas mourir. De l’autodafé au retour du refoulé anticolonial au Cameroun (1960-2020) 

 

Cette étude interroge  les péripéties d’une mémoire subalternisée : la mémoire anticoloniale au Cameroun. Elle montre comment, depuis son indépendance en 1960, l’essentiel du travail mémoriel du Cameroun officiel a paradoxalement consisté à frapper du sceau de l’infamie et/ou effacer d’autorité la trace de ceux qui revendiquèrent cette même indépendance au point d’en être tués (100.000 morts). Le souvenir de ce mouvement anticolonial s’est pourtant obstiné à survivre, d’abord clandestinement, puis bruyamment, depuis 1990. Ainsi, dans l’histoire de la mémoire anticoloniale au Cameroun, on peut distinguer quatre moments à la fois consécutifs et concomitants : la période de l’oubli-commandement dont le pendant est le moment du souvenir-clandestin (1960-1990), puis la période du souvenir-oubli, en résonance avec le temps du souvenir-obsession (1990-2022).

 

 

VI. Relations internationales et dynamiques transnationales

 

Sahra Rausch (Justus Liebig Universität Gießen)

Le colonialisme comme « crime contre l’humanité » ? Sur l’(im)possibilité d’une politique d’excuses

 

En 2021, en Allemagne et en France, les excuses pour le passé colonial ont fait l’objet de débats politiques et médiatiques. Alors que l’Allemagne a l’intention de présenter des excuses pour reconnaître la « souffrance » des OvaHerero et des Nama pour le génocide commis sous la domination coloniale allemande (1904–1908), en France, la formulation d’excuses officielles pour la guerre d’Algérie (1954–1962) est rejetée comme une expression de « repentance ». Ces deux exemples illustrent l’importance des émotions dans les politiques de mémoire postcoloniales. La communication examine la manière dont les émotions font des excuses politiques pour la colonisation française de l’Afrique du Nord et le génocide contre les OvaHerero et les Nama un instrument (im)possible dans la politique de mémoire postcoloniale. En entremêlant les politiques mémorielles allemande et française, l’article analyse non seulement les demandes d’excuses politiques comme un phénomène paneuropéen, mais il montre également l’efficacité transnationale des ordres émotionnels produits discursivement.

 

 

Yves Denéchère (Université d’Angers/TEMOS)

Mémoires et histoire des déplacements d’enfants métis en France pendant et après la guerre d’Indochine 

 

Pendant la période coloniale en Indochine – et surtout pendant la guerre d’indépendance (1946-1954) – des dizaines de milliers d’enfants métis sont nés de relations entre des hommes étrangers et des femmes du pays. De 1947 à 1975, la FOEFI (Fédération des œuvres de l’enfance française en Indochine), agissant pour le compte de l’État français, a organisé l’envoi en France de 5 000 de ces enfants. D’abord de type colonial, le projet se transforme en entreprise postcoloniale. Les mémoires de l’expérience de la transplantation sont plurielles chez les personnes concernées, entre reconnaissance de la chance donnée et critique des modalités de prise en charge. Il s’agit de voir comment se fabrique le récit entre histoire et mémoire, quels conflits de loyauté et de légitimité sont posés par l'enquête historienne, et aussi comment l’historien assume son rôle social.

 

 

Christine Lévy (Université Bordeaux Montaigne/CRCAO)

Une mémoire de genre transnationale est-elle possible : le cas du Japon et de la Corée du Sud 

 

L’existence des anciennes « femmes de réconfort » – un euphémisme pour désigner l’esclavage sexuel des femmes des pays colonisés ou occupés par le Japon impérial durant la longue guerre Asie-Pacifique (1932-1945) –, a fait l’objet d’une reconnaissance officielle au Japon en 1993, mais leurs revendications n’ont pas été satisfaites et la question s’est enlisée dans un conflit mémoriel de type postcolonial où les enjeux nationalistes, de part et d’autre, ont éclipsé l’enjeu féministe et transnational de départ. Grâce à la mobilisation féministe nippo-coréenne des décennies 1980-2000, ces femmes purent faire entendre leurs voix. Pourtant, trente ans après le rapport Kōno, aucun accord n’a permis de panser les plaies du passé. Quels sont les obstacles à une conciliation entre la Corée et le Japon sur cette question ? Quelle est l’efficacité des mobilisations de la diaspora coréenne à l’étranger vis-à-vis du Japon ?

Beatrice Falcucci
Thais Tanure
Marion Bertin
Berklee Baum
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Clemence Maillochon
Gian Mancosu
Tiemeni Sigankwe
Sahra Rausch
Yves Denechere
Christine Levy
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